• Épisode 9 – La reine prépare sa rebiffe.

    A l’impossible dit-on nul n’est tenu.
    Mais impossible n’étant pas français, ce proverbe ne concerne que les étrangers  
    Pierre Dac    

    Où la princesse a du souci à se faire quand on connaît les préparatifs de la mauvaise.  

    Rêveur rencarde ses potes :
    - Je n’ai pas voulu casser l’ambiance cet aprème, mais, pendant la partie de boules, Charles m’a informé qu’il a reçu un mail d’un de ses clients qui bosse au palais. Le bruit cours que la vieille taupe aurait eu vent de l’embrouille entre Marcel le garde-chasse et la Demoiselle. Elle serait en pétard et prête à tout, surtout au pire ; aussi je suggère qu’après souper nous mettions au point une stratégie pour la protection de la princesse.    
    A l’énoncé de cette info, un court silence s’installe, puis tout le monde se met à barjacter en même temps.

    Quittons cette cacophonie champêtre, ça nous fera des vacances et dirigeons notre caméra vers le château pour en savoir davantage, en faisant un retour arrière sur ce qui s’est passé depuis hier au soir. 

    J’ouvre ici une parenthèse : Il est parfois nécessaire, pour bien comprendre une situation à suspens qui se déroule dans des lieux éloignés, de faire un retour sur les évènements antérieurs du lieu précédemment quitté. Cette figure de style narrative qui, en littérature, est une analepse, correspond au flash-back cinématographique. Tout ceci, place ce récit dans la lignée des créateurs de scénarii tels que « Citizen Kane » d’Orson Wells, ou « Casablanca » de Michael Curtiz, voire « Pulp Fiction » de Tarentino. Je n’sais pas ce que vous en pensez, mais cela mérite peut-être une nomination au Goncourt ou au Renaudot, quoi que je penche pour le prix Femina vu la sublimation féministe qui me caractérise.  

    Je referme rapidement cette parenthèse qui, comme les portes de frigo, ne doit pas rester ouverte pour ne pas risquer de dauber les victuailles.

    Sous des dehors futiles recouvert d’une carapace de maintien de soi et d’élégance, comme chez de nombreux auteurs, Fabulgone se lâche parfois et n’hésite pas à flatter son égo. Je vous y dis en toute discrétion, mais dites pas que je vous y ai dit ; je compte sur vous pour ne pas moufter. Mais reprenons le cours de notre histoire…

    La reine avait reçu ce qu’elle crut être les organes de Blanche-Neige et les avait donnés en cuisine pour confectionner des atriaux savoyards (hachés de foie, poumons et cœur avec persil et épices, façonnés en boule et cuits dans une crépine) et les servir à la réception mondaine ayant lieu dans le parc (que les angliches appellent une garden-party) ce samedi, c’est-à-dire hier puisqu’on est dimanche. Ça va tout le monde suit ? Personne n’est en rade ni ne s’est mélangé les pinceaux et les boyaux du cerveau ? Bon ! Alors je poursuis. 

    Tout va pour le mieux au barbecue le soir même. La princesse Cendrillon bave sur les rouleaux du petit Chaperon Rouge en affirmant qu’elle est sapée genre pouf, avec sa mini-jupe et son blouson de cuir carminés. Le roi Dagobert qui a encore mis son falzar à l’envers, se lansquine sur les godasses vu qu’il ne trouve pas sa braguette. Roland comte de Roncevaux surnommé « Olifant’man » en profite pour jouer de son corps avec Peau d’âne qui en a ras les couettes d’être courtisée par son paternel. Tout baigne donc chez les têtes perlouzées, et vers les trois plombes du mat’, chacun repart rejoindre ses pénates, avec sa citrouille, son carrosse, ou sa Rolls. La Reine qui a biché comme un vieux pou, toute la soirée, part se zoner un tantinet crevée. Elle a les arpions chauffés à blanc, le rimmel et le fond de teint prêts à faire des bulles et elle prétexte un mal de tronche carabiné, pour que Schwarzy, son nouveau compagnon de bordée (que les rosbifs appellent boyfriend), lui lâche les baskets. 

    Le lendemain matin après avoir mis ses faux-cils et rajusté sa perruque, elle vérifie la tenue des coutures de son dernier lifting et se pointe avec un sourire carnassier, sa zapette à la main, devant son miroir. Lorsque l’écran s’allume, elle s’interloque en zieutant Gaston le dos tourné. Elle piaule :

    Épisode 9 – La reine prépare sa rebiffe.- Eh, face de carême, c’n’est pas ton joufflu qui m’intéresse, montre-moi ta trombine !  

    Le génie se retourne :  
    - Fais-excuse ma Reine, ton pas est si léger, que j’n’avais point ouï ta présence. J’ai aussi les portugaises un chouia ensablées à cause d’un reliquat d’oreillons. Va falloir que j’aille à la consulte de l’ORL pour mon décérumenage annuel. 

    - Arrête ton char et tes excuses bidon et lorgne mégnasse ! Qu’en penses-tu, ne suis-je pas la mieux balancée ? 

    - Sans conteste votre grandeur est la mieux chiadée du palais !  

    - Me prends pas pour une brelle, au château y a que des thons ! C’est de tout le royaume que je te cause. Rencarde-moi où t’iras pointer chez chômdu !  

    - Ok mais je me déballonne sur ce qui va arriver. Votre nièce que je zieute en train de ranger sa boite à bijoux dans son sac Vuitton, crèche chez les sept piocheurs qu’ont le tuyau d’échappement près du gazon et elle reste la mieux roulée du royaume. 

    La reine manque s’étranglouiller ; elle vire cramoisie et sans pouvoir rétorquer, enfonçe nerveusement la touche off de la zapette, renvoyant Gaston à Pétaouchnock. Elle bigophone à son cousin, un peu sorcier et tout aussi teigneux qu’elle : 
    - Platt-Fuss (prononcez plate fousse), ramène ta fraise, j’ai besoin d’un coup de paluche et de tes compétences de transformiste. Tu peux ralléger avec ton matou Azurel qui, je l’espère, est toujours aussi mal dressé. Il pourra mettre le souk en cuistance et faire enrager le maître-queux. Ce n’est pas la peine d’avoir fait l’école Hôtelière avec des stages chez Troisgros et Bocuse, pour que cet enfoiré se montre incapable de faire la différence entre des abats de sanglier et ceux d’une mijaurée. 

    Quelques plombes plus tard, le sorcier arrive avec son greffier qui aussi sec courate rejoindre la cuisine, renversant les saucières et chouravant les saucisses. Platt-Fuss, sourcils broussailleux et tonsure ébène, est vêtu d’une longue tunique noire à capuche. Il descend par la cuisse gauche, d’une lignée de sorciers gnomes qui habitent la Forêt Noire en Allemagne et pratiquent la magie noire. Par suite d’un problème génétique, il s’était retrouvé de la taille d’un homme ordinaire avec toutefois un souci du côté des ripatons aussi plats qu’un encéphalogramme de hooligans, il fut surnommé Platt-Fuss, vocable que l’on pourrait traduire en français par : Pied-Plat. Domicilié à proximité de la Gare Gamelle, Il sévit dans une contrée où résident de gentils petits personnages bleus, pas plus grands que des chaussinettes d’enfants (strumpf en gothique). Il est leur ennemi juré, mais malgré ses pouvoirs de se transformer en n’importe quel personnage, il n’est jamais parvenu à les capturer pour les déguster après les avoir passés à la centrifugeuse. Une vieille légende d’Outre-Rhin affirme que le strumpfsaft (jus de chaussettes) qu’il faut boire à jeun le matin, donne une pêche d’enfer et serait même, source d’immortalité. 

    - Cousin, mielleuse la Reine, t’es une pointure pour modifier les trombines ; prépare-moi un philtre qui me transformera en Danièle Gilbert. La princesse, cette petite punaise, se laissera berlurer vu qu’elle est accro de Midi-Première à la téloche. Je pourrai ainsi l’approcher et lui faire sa fête. 

    - Banco cousine, que ricane Platt-Fuss. Où que c’est-y que je peux œuvrer ? 

    - Suis-moi l’artiste ! Elle emprunte (pour pouvoir le rendre) l’ascenseur dérobé interne, car les escaliers dérobés n’existent plus que chez les gagnepetits et les nobliaux traine-misère, et ils descendent au deuxième sous-sol. Le premier sous-sol sert de parking à péage ce qui permet à la rapiate de faire casquer le stationnement de leurs véhicules, à ses invités. Ils pénètrent dans une immense cave voutée, traversée par une rivière qui alimente les douves du château d’où la reine peut quitter incognito son château à bord d’un petit bateau électrique et silencieux. La Reine pas peu fière, montre à son cousin sa dernière emplette attriquée à la foire internationale du sorcier moderne. Il s’agit d’un chaudron en polymère électro-actif avec sonde et capteurs intégrés qui permettent la diffusion interne et harmonieuse de la chaleur et offrent un mode de cuisson de qualité vitrocéramique.  

    - Impossible de rater une préparation, dit-elle ! Tu jettes dans le récipient, de la bave de crapaud, une plume de blanche colombe, des yeux de merlans frits, de la langue de vipère, un pied de cochon pour le moelleux, une jambe de bois, un cœur d’artichaut, une cuisse de mouche, trois litres d’eau de vase et un petit verre de schnaps. Tu programmes thermostat 3,14, et roule ma poule, le temps de faire ta grille de mots croisés, ta potion pour soulager les verrues plantaires, ravigoter la libido d’une momie égyptienne, désanorexiquer les mannequins de mode, humaniser un usurier, ou favoriser la repousse des cheveux, elle se retrouve conditionnée en flacons, étiquetés et prêts à être commercialisés auprès de ma clientèle de prétendus gourous, marabouts, voyants, exorciseurs, médiums, aruspices, augures et faux-prophètes de tous poils. 

    Impressionné, Platt-Fuss se met au turbin et en quelques broquilles, le breuvage magique fut d’équerre. Les deux affreux fêtent d’avance leur succès, persuadés de la réussite de leur arnaque, en faisant péter le bouchon d’une demi-roteuse qu’ils enquillent aussi sec en dégustant quelques toasts de cafards grillés au  beurre de limace. Lundi en fin de matinée, la Reine décanille vers la forêt avec son GPS pour ne pas se paumer et la fiole contenant le breuvage magique qu’elle range dans son sac Hermès (elle n’a pas les mêmes valeurs que sa belle-fille). S’approchant de la chaumière, elle se mouille la meule avec le breuvage magique et aussi sec se transforme en sosie de la grande Duduche. La ressemblance est telle que lorsque Blanche Neige la borgnote, elle ne se gaffe de rien. Elle pense même qu’elle va passer à la téloche sur Midi Première. La jactance entre les deux donzelles s’engage :  
    - Bonjour Danièle !

    Fin de l’épisode... à suivre.

    Que va-t-il arriver ?
    Réponse A – Blanche-Neige feint de croire à la venue de Danièle Gilbert ; elle entarte en pleine poire la reine mère qui retrouve son physique (la crème fait antidote) et part en courant rejoindre son château.
    Réponse B – La reine réussit à entrer chez la gamine et lui fait enfiler un corset magique.
    Réponse C – Charles qui avait été chargé de surveiller la chaumière se pointe avec sa hache et une course poursuite s’engage entre lui et la reine.
    Réponse D – Blanche-Neige évoque sa tristesse de ne plus voir sa belle-mère qu’elle aime malgré ses défauts et la reine tombe à genoux en demandant pardon à sa belle-fille.
     

    Glossaire :
    Rencarder : renseigner dans le sens de prévenir.
    Barjacter : parler vite et fort.
    Se mélanger les pinceaux ou les boyaux du cerveau marque une grande confusion.
    Baver sur les rouleaux c’est faire preuve d’une grande médisance, c’est ce que le loup reproche à l’agneau dans la fable.
    Bicher comme un vieux pou : être suffisant, sardonique.
    Partir se zoner : aller se coucher.
    Piauler, comme quincher, c’est crier d’une voie pointue et aigüe.
    Joufflu : les fesses.
    Avoir les portugaises ensablées c’est avoir les oreilles bouchées.
    Lorgne mégnasse : regarde moi avec attention.
    Se déballonner : ne pas porter le chapeau, refuser toute responsabilité.
    Pétaouchnock : localité (imaginaire) très lointaine. A l’origine, il s’agissait d’une création fantaisiste et xénophobe car il s’agit d’un pays indéterminé peuplé de noirs.
    Chouravé ou chouré c’est voler, pas dans les airs mais dans la poche du voisin.
    Attriquer : acheter quelque chose.
    Être d’équerre : convenir parfaitement.
    Décaniller : partir à pied.
    Borgnotter ou borgnoter : regarder avec attention en plissant les yeux.
    Se gaffer : utilisé ici dans le sens de se douter de quelque chose, se gaffer c'est aussi se tromper.
    Jactance : Terme générique pour tout échange de propos entre deux personnes. 


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