• Episode 8 – Rencontre avec les voisins

    Les femmes préfèrent être belles plutôt qu’intelligentes
    parce que, chez les hommes, il y a plus d’idiots que d’aveugles
    Yvonne Printemps

    Où Blanche-Neige fait la connaissance des habitants de la petite maison dans la prairie.

    Ce sont bien nos amis les nains qui rentrent de chez Brico-Merlin. Ils sortent de la remorque le matos acheté au magasin de bricolage, planches, quincaillerie, cabine de douche et toilette privative en kit, tout ce qu’il faut pour transformer la pièce du bas en chambre d’hôte.
    Ils se mettent en sale et avec efficience comme on dit dans les entreprises, ils se mettent au turbin, objectif : nettoyage du plafond à la française, crépi sur les murs, finalisation du lit, coiffeuse, petit table, montage de la cabine de douche et du coin toilettes. Bref à côté de nos amis, l’équipe de Valérie Damidot passe pour de pâles amateurs dotés de deux mains gauches.
    En fin de matinée, ils sont rejoints par Dynamite et Hercule qui rallègent de chez les voisins avec un chariot contenant un stère de bûches pour la cheminée, les soirées étant encore frisquettes.
    Comme de bien s’accorde, pour donner la main, pendant qu’ils mouillent la liquette, Blanche-Neige prépare la bouffe à la galetouse de midi : salade de pâtes aux dés de jambon, casse-dalle à la rosette et cornichons, rigottes de chèvre, assortiment de fruits secs, quelques pots de beaujolpifs, et brocs d’eau tirée de la source qui alimente le petit ruisseau qui coule à proximité de la cambuse.
    Pendant cette petite interruption de leur labeur, Dynamite, met la gosseline au parfum concernant leurs voisins : 
    Episode 8 – Rencontre avec les voisins- Il s’agit d’une famille venue des Amériques qui crèche à quelques centaines de mètres à gauche en sortant, dans la petite maison dans la prairie, située juste après notre petit bosquet. Le père est un solide gaillard un peu comme Hercule qui se fait suer le burnous comme bucheron. Il vit à la colle avec sa chenuse fenotte Caroline. Le couple élève leurs trois pisseuses, Mary, Carie et Laura la petite dernière, une pisse-trois-gouttes toujours à courater et se rouler dans l’herbe pour faire fuir reinettes et papillons. Ca gonfle un peu son paternel qui se demande parfois si elle n’a pas été bercée trop près du mur, il en redouble d’efforts en fendant le bois avec sa hache. Si tu es d’accord, nous avons invité demain tantôt, nos amis pour le café.

    - J’en suis ravie rebrique la princesse.

    Il faut dire que  la famille entretient de bonnes relations avec les nains qui, lorsqu’ils ne marnent pas à la mine, aiment à fabriquer des jouets qu’ils offrent aux momignardes pour les anniversaires et aussi le jour de Noël.

    Il convient de préciser ici que nos petits amis ont passé un deal avec le personnage dont Blanche-Neige avait vu le portrait dans la cabane à outils ; c’est un vieillard un peu excentrique qui bosse en Laponie au village de Rovaniemi avec une tripotée d’assistants, et qui a décidé de promouvoir la fête des enfants. Ils le rejoignent début novembre et l’aident à finaliser ses dernières commandes qui sont toujours livrées pile-poil, la nuit du 24 au 25 décembre au moment des saturnales.

    Les rase-moquettes retournent au charbon en chantant leur chanson favorite :

    Le travail c’est la santé ♫ 
    On n’a pas peur de trimer ♫ 
    Nous quand on est au boulot ♫ 
    On met le turbo. ♫ 
    (Hommage souriant à leur copain Henri Salvador).

    Le soir tout est terminé et après avoir savouré le repas préparé par leur amie, ils ne s’attardent pas longtemps au salon avant d’aller filer dans les toiles. Toute heureuse d’étrenner sa chambrette, notre gisquette se glisse dans les bannes. Un peu excitée à l’idée de voir du monde, elle sort de son sac Vuitton le bouquin d’une auteure suédoise qu’elle apprécie, Catharina Ingelman-Sundberg, « Comment braquer une banque sans perdre son dentier » (Je l’ai lu et le conseille fortement, c’est jubilatoire, fluide et rafraîchissant). Elle lit quelques chapitres, avant de s’endormir un sourire aux lèvres.

    Le lendemain dimanche sous un beau soleil, la matinée s’écoule vite : passage au temple-église où les nains assistent à l’office protestant et Blanche-Neige à la messe catholique (à Heidelberg, pendant plus de deux siècles, l’église du Saint-Esprit était partagée avec une cloison qui permettait aux deux cultes d’être célébrés dans le même édifice), repas de midi frugal, Bouftou et Blanche-Neige préparent une tarte aux pralines, la dubéloire pour le café et la bouilloire pour le thé.
    Les invités arrivent avec une tarte au citron préparée par Caroline et ses grandes et une fois les présentations faites, comme il fait beau et doux, tout le monde s’installe en terrasse.
    Caroline, Mary et Carie s’enquièrent de la vie à la cour. La
     princesse rencarde :
    - Ma belle-doche est malheureusement du genre coincée du lasagnier, alors les fêtes et les bals sont quasi inexistants. Pour satisfaire sa pratique du culte de la personnalité, ses courtisans se conduisent en carpettes, toujours l’échine courbée en vomissant leurs compliments à son passage. Tout ceci n’est guère folichon et ne risque pas d’évoluer car la régence doit perdurer, jusqu’à mon mariage. Les prétendants sont plus rares que les pourliches d’un écossais et ils sont le plus souvent éconduits par les gardes, aux postes frontières du royaume.

    - T’inquiète, ma belle ! lui déclare Caroline, nous allons tâcher moyen de t’apporter quelques distractions.

    Pendant que nos minettes taillent le bout de gras, les mectons se sont mis en bras de chemise et manière de se démangogner un tant soit peu les agotiaux, ils se mettent de collagne, en quadrettes et rejoignent le clos pour faire une longue, c’est-à-dire une partie de boules appelée aussi « la lyonnaise ».
    Dans la première équipe, Cosinus et Dynamite sont les tireurs et Bouftou et Rêveur les pointeurs ; l’autre quadrette compte Charles et Hercule comme tireurs et Grisbi et Dandy pour pointer.
    - Vous allez prendre une fanny, déclare Charles à Cosinus qui répond en riant que c’n’est pas demain la veille avec Dynamite qui queute ses carreaux secs et Bouftou qui fait surtout des brochets au lieu de biberons.

    - Si je ne tète pas le but, c’est à cause que ma boule, elle a heurté un gratton, rétorque Bouftou, et vous allez y voir que tantôt nos tireurs vont réussir leurs bauches.

    La partie se déroule avec de nombreuses fausses altercations et de franches rigolades dès que Dandy pointe en premier après avoir lancé le cochonnet et réalisé un museau contre le petit.

    Le soleil commence à décliner vers l’horizon lorsque Caroline déclare :
    - C’n’est pas tout ça, mais il se fait tard et nous devons prendre du souci. Demain c’est école et fête à bras. Leurs aminches s’étant retirés, la princesse et ses hôtes rentrent à l’intérieur. Rêveur la mine soucieuse jabille.

    Fin de l’épisode, à suivre...

    Que dégoise Rêveur ?
    Réponse A – Je crois bien que nous n’avons plus de cacahouètes pour l’apéro.  Réponse B – Je serais d’avis d’installer des barbelés et de mettre la mitrailleuse en batterie pour que la princesse puisse se défendre en notre absence. 
    Réponse C – Franchement, si Charles a marqué le dernier point aux boules, c’est parce qu’il a mordu la ligne après avoir pris son élan ; Je déclare la partie nulle.
    Réponse D – Après souper, je suggère que nous mettions au point une stratégie pour la protection de Blanche-Neige.

    Glossaire:
    Se mettre en sale  : dans les autrefois, la semaine les gens s’habillaient en tenue de travail et donc en parler lyonnais se mettre en sale par opposition à se mettre en dimanche, consiste à s’habiller sans craindre de se tacher.
    Rallèger : revenir, rentrer chez soi.
    La
     bouffe à la galetouse : manger sur son lieu de travail, vient de l’époque où les salariés amenaient à l’usine leur gamelle pour la pause de midi.
    Cambuse : contrairement à l’argot qui lui donne une connotation négative, en parler lyonnais c’est un appartement ou une maison classique.
    Se faire suer le burnous :comme pour mouiller sa liquette ou sa chemise, c’est travailler dur.
    Vivre à la colle : être en couple sans être marié.
    Pisseuse : désolé mais ça se dit en parlant d’une petite fille, je n’ignore pas le caractère sexiste du terme car rien ne prouve qu'une minette fait plus pipi qu'un gone, mais il est utilisé sans méchanceté.
    Pisse-trois-goutte, se dit d’une petite fille qui a la bougeotte.
    Marner ou bosser, terme générique pour travailler.
    Bannes, toiles, torchons désignent les draps.
    Retourner au charbon : reprendre le travail après une pause.
    Dubélloire : cafetière traditionnelle lyonnaise en grès ou en faïence qui fait partie du décor des loges de concierges, inventée par Dubelloy, neveu d’un archevêque parisien.
    Lasagnier, comme morlingue c'est un porte-monnaie, en être coincé c’est être radin.
    Tailler le bout de gras : discuter, bavarder.
    Se démangogner les agotiaux : en parler lyonnais c'est remuer les bras en tous sens pour s’assouplir, c'est aussi la brasse en natation. 
    Se mettre de collagne : toujours en lyonnais, c'est se réunir par affinité.

    Nous voilà dans le vocabulaire du jeu de boules lyonnais.
    La lyonnaise appelée aussi la longue obéit à des règles très précises que je vous expliquerai un jour. Pour l’instant voici quelques explications : queuter ses carreaux secs, pour le tireur, c’est manquer de toucher la boule adverse en se mettant à sa place. Faire un brochet la boule du tireur atterrit loin de  l’objet visé. Un biberon c’est quand la boule colle contre le but, c’est aussi téter le but ou réussir un museau contre le petit. Heurter un gratton : la boule est déviée par un petit caillou. Réussir une bauche, la boule frappe et se met à la place de celle éjectée.

    Prendre du souci : rentrer à la maison.
    Fête à bras :reprendre le travail.
            

     


  • Commentaires

    Aucun commentaire pour le moment

    Suivre le flux RSS des commentaires


    Ajouter un commentaire

    Nom / Pseudo :

    E-mail (facultatif) :

    Site Web (facultatif) :

    Commentaire :