• BVGDVNVM - 4ème épisode - les Pierres Plantées

     

         Plancus souhaita rejoindre Condate au confluent du Rhône et de la Saône. Pour s'y rendre, il fallait emprunter une route qui descendait le long des pentes. Elle était particulièrement abrupte dans sa première partie jusqu'à un replat d'où elle repartait plus doucement. Jugeant le trajet périlleux, le proconsul s'adressa à Petafinus:

         - Raidillius via bis répétita Costa Magna, craignum culus pardessus testum? (j'ai repris le texte en V.O.)

         Ce que l'on peut traduire en gaulois par: ne te semble-t-il pas que cette voie est particulièrement raide et qu'avant que nous ne parvenions au replat de la Grand'Côte nous ne finissions par débarouler en faisant un patacul (c'est à dire en tombant cul-par-dessus-tête)?

         - Ke nenium, te cassus pas le bourichonum, finassames slalonum plaçum et redémarames tranquillos via Costa Magna, rétorqua Petafinus

         Autrement dit : Que nenni te prends pas le cabochon, je fais juste un petit freinage sur le côté au niveau de la plateforme et on repart peinard en suivant la Grand'Côte.

         - Aléa jacta est! cascadum faisames solus. Mezigum, Tartempio et Fabulix allâmes pédibus jambus colagnus et rejoignâmes replat.

         Traduction: Bingo! fais comme tu penses, mais je me sens pas de jouer les cascadeurs. Va seul; ma pomme, Tartempio et Fabulix, nous te rejoindrons à pied, en bambanant de collagne jusqu'au replat.

         Nos trois amis descendirent du chariot et avant même qu'ils ne se mettent en route, l'aurige s'engagea sur le raidillon. Les mirettes écarquillées nos trois mectons constatèrent que, poussé par le poids du véhicule, les chevaux s'emballaient.

         - Per jovem, frena couyonus ! (Au nom du ciel, freine espèce d'ébravagé) hurla Munatius.

         Rien à cirer, il était déjà trop tard. Les étalons juste avant d'atteindre le replat s'abousèrent, le char se coucha, se brisa, s'éparpilla façon puzzle, tandis que Petafinus fut projeté en l'air tel un bloc de pierre de baliste.

         J'aurai pu dire un boulet de canon, mais vous connaissez mon sens de la précision et mon souci d'éviter les anachronismes, puisque le canon n'existant pas à l'époque de la guerre des Gaules, le boulet c'est pas possible non plus, et ils feront joyeusement leur apparition sur les champs de bataille au 14ème siècle. Vous y savez comme moi qu'il y a toujours un marque-mal prêt à relever la moindre anomalie historique histoire de montrer sa science en se moquant du pauvre auteur qui voulait seulement faire une métaphore pour adoucir la rudesse d'un spectacle effrayant car quoi de plus effrayant que d'observer le trajet en l'air d'un pauvre diable qui comme de bien s'accorde ne va pas s'en sortir sans casse. Bon, cette mise au point étant faite, je sais plus où j'en suis...

         Ah oui! notre Petafinus, après avoir accompli une triple vrille et un double salto facial, alla s'écramaillé contre une hutte en bas de la montée. Si la paille avait amorti le choc, il était tout de même pas loin de dévisser son billard et d'épouser la camarde lorsqu'il fut rejoint par nos trois mamis tout tourneboulés.

         Le proconsul manda son chirurgien, un médecin grec, Aristophane Thénia, qui diagnostiqua une fracture du crâne et pratiqua sur le champ la trépanation bi-convexe-latérale que lui avaient enseigné ses deux professeurs d'internat, les docteurs Frank et Stein. L'intervention fut inutile car Petafinus ferma son parapluie pour alleBVGDVNVM - 4ème épisode - les Pierres Plantées r manger les pissenlits par la racine, dans la nuit.

          Plancus désolé de la perte de son aurige, fit établir sur le champ, dans le haut de cette route périlleuse trois bornes destinées à en interdire l'accès aux voitures. Et il prescrivit qu'on gravât sur chacune des trois pierres la lettre P; on les appela les Pierres Plantées.

         Les trois initiales P.P.P. pour Plancus, Petafinus, Peritissimus. Certains archéologues prétendent qu'il s'agissait en fait des trois lettres C.A.F. (Cave, Auriga, Fastigum), c'est-à-dire: Descente brusque, tournant dangereux. Il est décidemment bien difficile d'apréhender la vérité historique!

    Ce qui est sûr, c'est que depuis ce drame, dans le parler lyonnais, le verbe petafiner signifie abîmer, gâter, rendre méconnaissable et il s'apparente au vieux mot français putafin qui signifie: mauvaise fin.

    A suivre...

    Glossaire

         Bambaner de collagne: se promener ensemble, en bonne compagnie.

         Métaphore: il est souvent difficile de faire la différence entre une périphrase et une métaphore. Michel Audiard toujours soucieux de venir en aide à ses contemporains, en donne un parfait exemple par les voix de Bernard Blier et Françoise Rosay dans l'excellent film Faut pas prendre les enfants du Bon Dieu pour des canards sauvages:

         B.B. - Attention! j'ai le glaive vengeur et le bras séculier! L'aigle va fondre sur la vieille buse!... Un peu chouette comme métaphore, non?

         F.R. - C'est pas une métaphore, c'est une périphrase.

         B.B. - Fais pas chier!...

         F.R. - ça c'est une métaphore.

         Je dédie cet exemple aux grammairiens qui parfois nous gonflent avec leur langage doctoral et souvent incompréhensible. Rien ne vaut une image plutôt qu'un long discours.

          Dévisser son billard, épouser la camarde, fermer son parapluie, aller manger les pissenlits par la racine: je n'ai pu résister au plaisir de vous préciser quatre des cinquante façons de mourir. Le français argotique populaire, comme les parlers régionaux sont des langages fleuris qui ne doivent pas disparaître.

     


  • Commentaires

    4
    Mercredi 13 Février 2013 à 21:09
    CouCou c'est ZouZou

    j'ai bien le temps de fermer mon parapluie...

    pour l'instant il sert souvent.........que d'eau chez nous !

    Des bisous Fab ...

    3
    sucramus
    Lundi 4 Février 2013 à 10:25

    Salutation mon Fab!

    Je viens me délecter de tes récits plein d'images que les gamins devraient bien apprendre à l'école!

    Je vois aussi la Pie toujours aussi verbiale, note bien qu'une pie....

    Je vais mettre ton lien sur fesse de bouc comme ça t'auras p't'êt bien des visites.

    Pour ce qui m'occupe en ce moment c'est la neige qui s'en va et qui revient et qui fait des tout p'tits rien...Un hiver de côte d'Azur et encore!

    Bon j'te laisse à tes créations , tu fais la bises sur le bec de la Pie quand tu la vois.

    2
    ginie la pie
    Dimanche 3 Février 2013 à 20:30

    Bonsoir pipa !! je suis deuze héhé. c'est bien ce qui me semblait t'écrit sur 2 blogs en même temps et comment je fais moi pour suivre !!! bon va falloir que j'y mette aute chose ici sinon on va dire que j'suis qu'une feignasse ! alors moi je tiens à dire que tu as fait une faute ben oui CAF c'est caisse d'allocation familiale. Quoi pourquoi tout le monde rifougne c'est quoi qu'est drôle dans c'que j'dis !! Ben moi la grammaire l'orthographe et tout le tatoin j'y suis jamais vraiment arrivé alors hein bon et puis sur mes lettres moi c'est marqué caisse d'allocat.... oh ça va tout le mon y s'moque de moi pipa. J'te fais une grosse bise et je vais me lisser les plumes un peu plus loin........flap falp flap

    1
    Pamplemousse
    Mercredi 30 Janvier 2013 à 12:22

    Avec toi, le latin redevient une langue vivante!

    • Nom / Pseudo :

      E-mail (facultatif) :

      Site Web (facultatif) :

      Commentaire :


    Suivre le flux RSS des commentaires


    Ajouter un commentaire

    Nom / Pseudo :

    E-mail (facultatif) :

    Site Web (facultatif) :

    Commentaire :