• Blanche Neige - épisode 6 - Faisons les présentations

    J'ai des envies de voyage. L'Océanie, Bora-Bora, les vahinés... Tu connais ? Pourquoi ? Tu veux m'emmener ?
    On n'emmène pas des saucisses quand on va à Francfort.
    T'aurais pu dire "Une rose quand on va sur la Loire". Question de termes
    André Pousse et Dany Carrel, Le pacha.

    Où nos amis les nains entrent en scène 

    J’entends déjà quelques pisse-vinaigre qui ricanent en disant :
    - Il nous bourre le mou. La princesse s’est mise aux fourneaux à dix-huit heures…  il lui a bien fallu deux heures pour préparer la bectance… tu rajoutes le souper et la lecture de Mademoiselle… Ça fait bien tard pour rentrer du boulot, même avec les embouteillages ! Combien t’est-ce d’heures qu’ils grattent les petits z’hommes ? C’est du grand n’importe quoi !  
    A ceux-ci, je réponds par un silence attristé et comme le disait le capitaine Haddock : - Que les espèces d’analphabètes diplômés, de Cyrano à quatre pattes et de bougres d’extraits de cornichons se taisent.
    C'est vrai quoi ! S’il fallait relever toutes les incohérences des contes, fables et récits fabuleux, quand est-ce que les humains trouveraient-ils le temps de rêver ?
    Alors oui, bien sûr je confirme qu’il est tard et je précise qu’il se fait dans les vingt et une plombes à la dégoulinante de la bastoche, seulement, il y a une explication ; alors ne soyons pas impatients et laissons-nous bercer par la magie du moment, rangeons notre feuille d’impôts au fond du tiroir, oublions les désagréments de la journée, rajoutons un coussin ou deux pour être confortablement installé dans notre fauteuil préféré et sans plus attendre, savourons la suite…

    Nous sommes vendredi et comme il se doit, pour fêter la fin de la semaine de turbin, nos travailleurs ont coutume de se rendre chez Tante Yette, une bistrote qui tient un petit caboulot au bord de la rivière qui serpente non loin  de leur mine. Le troquet est réputé pour son accueil. Tante Yette est une femme accorte qui avait été hôtesse d’accueil chez madame Glaude, une maison réputée du quartier de St Germain des prés. Après avoir pris sa retraite et avec ses éconocroques, elle avait casqué ce petit estaminet où elle régale les michetons avec ses spécialités de poissons : perche, sandre, brochet… C’est aussi l’endroit où le soir quand il fait beau, à l’heure de l’apéro, les habitués savourent leur pastaga sous la tonnelle. Et ce jour-là, après s’être mouillé la meule, nos amis rentrent à la maison à pinces, le piochon sur l’épaule, en chantant, car vu qu’ils sont un peu chauds de la cafetière, ils ont laissé leur bagnole chez Yette. En arrivant, ils déposent leurs outils dans le cabanon et après avoir tiré la chevillette de la porte d’entrée, la bobinette cherre et la porte s’ouvre. Ils entrent et s’interloquent de conserve en s’entrechoquant dans l’entrée, les uns sur les autres.
    Le premier qui cause, c’est Roger la science dit Cosinus, le chef de la bande.

    Vous y savez comme moi, dans une bande il y a toujours un chef car force est de constater, que depuis la nuit des temps… et même le jour…, dès lors que des michtons se regroupent, il y a toujours un mec à la redresse qui est  légitimé par ses potes, ou bien qui s’autoproclame (parce que c’est lui qui pisse le plus loin) sans que personne ne moufte. Chez nos amis, le leader s’est révélé naturellement puisque Cosinus est aussi le proprio de la mine. Le petit groupe comme nous l’allons voir, forme un petit microcosme de personnalités marquées et attachantes. Faisons les présentations.
    Cosinus se distingue de ses autres compagnons parce qu’il porte une paire de lorgnons demi-lunes qui accentuent son côté intello. Son visage rond et poupin est éclairé d’un sourire bienveillant. Son front dégarni précède une chevelure argentée longue et enserrée en queue de cheval qui affleure ses épaules. Ses moustaches à la gauloise sont bien taillées. Il porte une chemise unie bleue, un gilet à poches assorti, un jean noir et une paire de boots noirs. Avec ses poteaux, il a monté une société coopérative et participative de production. Tout baigne entre eux, les décisions sont collégiales et personne ne tire au flanc en se mettant au caduche pour émarger à la sécu à la première égratignure. 

    A sa droite, se tient Jules le mastard dit Hercule. Crâne chauve, moustaches façon cosaque, genre Tarass Boulba, yeux clairs et perçants. Il porte une chemise sans manches à carreaux, largement échancrée sous un gilet de cuir à demi fermé par un lacet, laissant apparaître une musculature impressionnante, un jean bleu nuit et une paire de Santiags. De descendance Celte, il avait été champion du monde catégorie poids mouche dans le lancer de troncs d’arbres, sport traditionnel écossais des Highland Games. C’est lors d’une compétition qu’il avait rencontré Cosinus quand celui-ci bossait pour une boîte qui faisait partie des sponsors, la société TBM « Trucs Bidules et Machins »
    Voici brièvement la genèse du pourquoi du comment de la mine.

    Concepteur en robotique, Ingénieur à Grenoble et maître de conférence en philosophie appliquée à prendre la vie du bon côté, Cosinus avait fait fortune et obtenu le premier prix de la bureaucratie reconnaissante pour avoir créée une puce électronique qu’il avait baptisée « terminalheur », laquelle, implantée dans une horloge déclenchait à l’heure programmée, une sonnerie de clairon militaire. L’ensemble des cabinets ministériels par le truchement des syndicats de la fonction publique en avait fait l’acquisition car cela permettait, en se déclenchant cinq minutes avant la fin du service, de réveiller le technocrasse assoupi sur son dossier pour qu’il quitte son poste bien à l’heure. Cosinus décida alors d’investir son blé dans l’achat d’une mine. Il lui fallait recruter une équipe pour son exploitation et Hercule qu'il avait sponsorisé par le passé fut le premier à accepter.

    À la gauche de Cosinus nous apercevons Paul la tremblote (affublé d’un léger tremblement de la paluche gauche, son toubib lui a conseillé de ne pas sucrer les fraises) dit Dynamite : les sourcils froncés, ses cheveux ondulés châtains clairs, mi- longs à hauteur de ses épaules encadrent un visage glabre et taillé à la serpe. Il porte sur un marcel blanc, une veste et un pantalon de treillis kaki. Son large ceinturon est aussi une cartouchière où il range ses petits bâtons d’explosifs. Il est chaussé de rangers en cuir avec lacets et boucles qui lui enserrent bien les chevilles. Il est considéré comme une pointure en explosifs car il avait, c’est le moins qu’on puisse dire, mouillé la chemise avec l’Irlandais Red Adair, en le secondant dans l’extinction des incendies de puits de pétrole. Il rentrait tout juste d’une mission africaine où la société de protection des pachydermes « Défense d’ivoire » l’avait embauché comme mercenaire pour éradiquer le braconnage. Les salaupiauds qui s’adonnaient au trafic de défenses avaient vite abandonné leur turbin car Dynamite faisait non seulement peter dans de gigantesques feux d’artifice leur arsenal, mais aussi leurs véhicules et leurs campements. Plus d’un s’était retrouvé en slip et chaussettes, les cheveux cramés. La maffia avait collé un contrat sur sa tête et c'est pour se mettre au vert qu'il accepta de s’associer avec Cosinus.  

    Voici maintenant Pierrot belle gueule, dit Dandy : il avait été un peu décorateur, un peu styliste ; il dirigeait une équipe de couturiers qui grattaient au noir dans le quartier de Belleville. Quand la maison poulaga s’intéressa de trop près à son commerce, il prit une prudente retraite et intégra la joyeuse bande, en qualité de conseiller commercial car il a des aminches du côté d’Amsterdam. Il se distingue par sa tenue impeccable. Toujours tiré avec les quatre épingles, il porte un ensemble veste et pantalon en velours côtelé vert bouteille, bottines en cuir brun foncé. Mince, le dos droit, il a le visage impeccablement rasé avec une fine moustache à la Clark Gable, les yeux noirs et la chevelure gominée plaquée en arrière.    

    Lucien l’estome, dit Bouftou croque quelques grattons qu’il a ramené du bistrot dans un cornet en papier. C’est le cuistot de la troupe : le visage rougeaud et jovial, il a les cheveux coupés en brosse, rondouillard, il porte une chemise à rayures bleues et blanches (ça mincit dit-il !), un pantalon de serge gris à chevrons, tenu par une paire de bretelles, une veste de toile non boutonnée (trop difficile), et des bottillons de cuir. Cosinus avait fait sa connaissance à Bouffémont, un relai-château deux fourchettes au guide Michdepin où Lucien œuvrait en qualité d'aide-cuistot chef.  

    À ses côtés, Fred Boulier, le comptable, dit Grisbi est de corpulence moyenne, il porte un ensemble blazer bleu marine avec pantalon gris, une chemise bleue pastel et est chaussé d’une paire de boots. Ses cheveux longs et ondulés sont relevés en chignon. Il a toujours, coincé derrière l’oreille gauche, un petit crayon de papier et dans la poche de sa chemise, un petit calepin qui lui sert à noter les recettes et dépenses et les tarifs des produits et objets affichés en vitrines pour faire jouer la concurrence. Sans l’aide d’une calculette il est capable de résoudre des opérations très complexes. Il a intégré l’équipe sous une nouvelle identité, dans le cadre d’une intervention des services spéciaux de protection des témoins. On prétend qu’il serait à l’origine de l’arrestation de quelques parrains de la mafia en dévoilant leurs systèmes de blanchiment d’argent ; lui aussi fait l’objet de plusieurs « contrats ».

    Jeannot l’artiste, dit Rêveur, termine notre panel de gais lurons. Il a été recueilli par Cosinus un soir de Noël, alors qu’il était en train de se geler les arpions sous la maigre protection de quelques cartons, après qu’il eut brûlé sa dernière allumette. Ami des animaux, musicien, et capable de reconnaitre toutes les plantes, il n’avait aucune notion de l’argent et ne se souciait pas des biens matériels. Il était donc exploité par ceux qui abusaient de sa naïveté et le faisait gratter pour des clopinettes. Il se retrouvait ce jour-là sans domicile, incapable de payer un loyer. Cette année, l’hiver était aussi rude et sec que le cœur des habitants de la bourgade où il avait exécuté un petit travail ; il aurait pu calancher et plier son pébroque sans l’intervention de Cosinus.
    Pour la petite histoire, le village s’appelle Hamelin. Le conseil municipal lui avait promis une valoche de pascals s’il parvenait à évacuer les rats qui envahissaient la ville. Il s’était acquitté de sa tâche en attirant les bestioles au son de son harmonica. Il les entraîna hors du bourg où il les fit patienter en leur promettant de revenir. Lorsqu'il retourna à la mairie et voulut passer à la caisse, en guise de pascals, il ne reçut que quelques fifrelins. Quelques jours plus tard, lassés d’attendre, les rats revinrent à Hamelin et se tapèrent la cloche en boulottant le contenu de toutes les caves et greniers.
    Rêveur fut tout de suite accueilli et adopté par ses six autres camarades. Comme tout un chacun, il bosse à la mine et s’est spécialisé dans la confection de potions, remèdes divers, boissons revigorantes et herbes aromatiques. Il est en quelque sorte le soigneur de la troupe. Peu soucieux de son apparence, souvent mal sapé et mal coiffé, Dandy veille à parfaire ses tenues. De son côté, Bouftou qui apprécie ses talents dans la cueillette et le bon usage des herbes est aussi son protecteur et son ami qui le prend fréquemment comme assistant dans sa cuisine.

    Les présentations étant faites poursuivons. De l’étage, leur parvient le faible ronflement d’une personne endormie lorsque Cosinus prend la parole. 
    Quoi t-est-ce donc qu'il propose ?
     

    Fin de l'épisode, à suivre...

    Blanche Neige - épisode 6 - Faisons les présentations

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    Réponse A - Ce ne sont pas des grognements de bête fauve, laissons se reposer la personne qui nous a concocté ce repas, on avisera ensuite !
    Réponse B - Sortez l'artillerie, on va grimper façon GIGN et jeter l'individu dehors.
    Réponse C - Qui est le farfelu qu'a embauché des extras pour nous faire passer le message subliminal que l'ami Bouftou n'est pas à la hauteur ! il ne s'agit pas de sa taille, mais de sa compétence.
    Réponse D - C'est peut-être un piège. Dynamite, entre et vérifie s'il n'y a pas de bombe planquée ! Rêveur, prend un échantillon de soupe et assure-toi qu'elle n'est pas empoisonnée ! Les autres tous dehors avec moi, nous allons sécuriser le terrain !
     

    Glossaire  

    Pisse-vinaigre - comme les fesses-tristes, ce sont des casseurs d'ambiance toujours prêts à la critique négative.
    Micheton - il s'agit tout d'abord du client d'une prostituée et par extension, c'est un client ordinaire, simple et sans malice. 
    Se mouiller la meule - s'abreuver, boire beaucoup ; nous avons ici un paradoxe car meule est pris dans le sens de gosier alors qu'en argot, utilisé seul, meule désigne soit les fesses, soit une mobylette.
    Mec à la redresse - celui qui commande et qu'on écoute. Un vrai chef, pas un chefaillon.  
    Ça baigne, tout baigne - sous-entendu dans l'huile, le beurre ou la margarine, pas dans l'eau ; autrement dit il s'agit de lubrification pour dire que tout fonctionne bien et qu'il n'y a pas de friction.
    Se mettre au caduche - c'est tirer au flanc, faire semblant d'être malade ; s'emploie dans le monde du travail pour celui qui par fainéantise feint la maladie, va voir son toubib et se met à la sécu.
    Gratter - comme bosser, turbiner, trimer... c'est travailler dur : il existe une centaine d'expressions qui précisent "la qualité" du travail ; par exemple, celui qui travaille au noir et utilise le matériel de son patron, il perruque.
    La maison poulaga - ou maison : j'tarquepince, poulman, bourreman, parapluie, relève du commissariat de police. La grande Maison c'est la préfecture.
    Se geler les arpions - la sensation de grand froid, se fait sentir quand on se gèle les doigts de pieds. 
    Une valoche de pascals - une valise de billets de banque, le pascal valait cinq cent francs, aujourd'hui ce serait des billets de cent euros, mais il n'y a pas notre Pascal. Se taper la cloche - c'est faire bombance.
       


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