• 43e épisode - Clovis

    Chronique de Maëlius fils de Junius et petit-fils de Fabullus le jeune

    C'est avec une grande tristesse que j'ai assisté à la fin de mon ami Chlodweg devenu le roi Clovis dans son dernier combat contre une vilaine maladie qui l'a fauché en trois semaines. Je viens de terminer son histoire pour qu'elle traverse les siècles à venir. Voici donc pour toi lecteur du futur une brève évocation de celui qui sera certainement glorifié comme un grand homme ayant marqué de son empreinte les royaumes de la Gaule gallo-romaine.
    Fait à paris le 29 novembre 511.

    À la mort de son père en 481, Clovis prend la tête du royaume franc salien et hérite d'un royaume qui correspond à peu près à la région de Tournai petite province située entre la Mer du Nord, l’Escaut et le Cambrésis, soit un territoire allant de Reims jusqu'à Amiens et Boulogne, à l'exception de la région de Soissons contrôlée par Syagrius. Rien ne le prédispose alors à supplanter ses rivaux, plus puissants. Nous allons voir que sa réussite incontestable sur le plan militaire doit évidemment à ses qualités personnelles du chef très rusé astutissimus mais au moins autant à l'expérience romaine de la guerre que les siens ont depuis longtemps acquise, à la discipline exigée de ses soldats, tout comme sa conversion au christianisme, et à travers celle-ci, son alliance avec les élites gallo-romaines. 

    Clovis s'efforce d'agrandir le territoire de son royaume. En 486 il s'allie d'abord aux Francs rhénans et de Cambrai dont leur roi Ragnacaire est un de ses parents. Pour cela, il contracte un mariage avec une princesse de la monarchie franque rhénane, dont naît un fils, Thierry. Cette union avec une épouse dite de « second rang », vue comme étant « gage de paix » (Friedelehe), assure la paix entre Francs rhénans et saliens et lui permet de tourner ses ambitions vers le sud.
    A la tête de seulement quelques milliers d'hommes, il conquiert les villes de Senlis, Beauvais et Paris dont il pille les alentours. Il livre la bataille de Soissons contre Syagrius et ainsi, en contrôlant le dernier fragment de l'Empire romain d'Occident, cette victoire permet au royaume de Clovis de contrôler tout le nord de la Gaule. Syagrius se réfugie chez les Wisigoths qui le livrent à Clovis l'année suivante. Le chef gallo-romain est discrètement égorgé. Nous vivons des temps très féroces où la clémence n’est pas de rigueur.

    Tenez, il faut que je vous raconte une anecdote ; après cette bataille, allant contre la loi militaire du partage, le roi, après avoir réuni le butin, demande à ses guerriers d'ajouter à sa part du butin un vase liturgique précieux pour le rendre à l'église de Reims, à la demande de Remi, évêque de cette dernière cité. Mais un guerrier s'y oppose en frappant le vase de sa hache. Clovis ne laisse pas transparaître ses émotions. Il récupère les morceaux qu’il donne à l'envoyé de Remi lequel fait fondre les morceaux pour fabriquer un encensoir et un calice. L'épilogue de l'histoire se produit en mars de l’année suivante où Clovis ordonne à son armée de se réunir au Champ-de-Mars pour, selon une pratique romaine, examiner si les armes sont propres et en bon état. Inspectant les soldats, il s'approche du guerrier qui avait frappé l'urne et sous prétexte que ses armes sont mal entretenues, il jette alors la hache du soldat à terre. Au moment où celui-ci se baisse pour la ramasser, Clovis abat sa hache sur la tête du malheureux. Le soldat tombe sans vie, et sur ordre de Clovis, l'armée doit se retirer en silence, laissant le corps exposé au public. 

    A l'inverse des Wisigoths, chrétiens mais ariens, qui tiennent l'Aquitaine d'une main de fer, et ne font aucun effort pour tenter un rapprochement avec les Gallo-romains chrétiens, Clovis ne s'impose pas aux Gallo-romains ; il poursuit la fusion des éléments germains et latins et en définitive il paraît un moins mauvais maître que la plupart des prétendants : au moins, auraient dit les Gallo-romains, est-il déjà passablement romanisé. Entre nous, il faut dire que dès le début de son règne, je lui avais procuré un conseiller gallo-romain de mes amis, Aurélianus. 
    En 491, il déclare la guerre aux Thuringiens, dans la région de Trèves et finit par les soumettre sans pour autant porter atteinte à la souveraineté de la Thuringe dont Basine, sa mère était originaire. Je vous précise ici que Rémi évêque de Reims qui cherchait la protection d'une autorité forte pour son peuple avait écrit à Clovis dès son avènement. Les contacts sont nombreux entre le roi et l'évêque, ce dernier incitant d'abord Clovis à protéger les Chrétiens présents sur son territoire. Grâce à son charisme et peut-être en raison de l'autorité dont lui-même jouit, Remi sait se faire respecter de Clovis et lui sert même de conseiller. C’est ainsi qu’à la suite d'ambassades répétées auprès du roi Gondebaud, Clovis choisit de prendre pour épouse Clotilde, une princesse chrétienne de haut lignage, fille du roi des Burgondes Chilpéric et de la reine Carétène. 

    Clovis et clothilde

    Le mariage a lieu à Soissons en 492 et concrétise le pacte de non-agression avec les rois burgondes. De plus, en choisissant une descendante du roi Athanaric de la dynastie des Balthes, Clovis se marie avec une épouse de premier rang qui lui assure un mariage hypergamique (d’un niveau plus élevé que le sien), lui permettant de hisser les Francs au rang de grande puissance.
    Dès lors, Clotilde fait tout pour convaincre son époux de se convertir au christianisme. Mais Clovis est réticent : il doute de l'existence d'un Dieu unique et la mort en bas âge de son premier fils baptisé, Ingomer, ne fait d'ailleurs qu'accentuer cette méfiance. Tout va cependant basculer en 496, à la bataille de Tolbiac (Zülpich  près de Cologne) contre les Alamans. Clovis ne sachant plus à quel dieu païen se vouer et son armée étant sur le point d'être vaincue, il prie alors le Christ et lui promet de se convertir si « Jésus que sa femme Clothilde proclame fils de Dieu vivant » lui accordait la victoire. Au cœur de la bataille, alors qu’il est encerclé et va être pris, le chef alaman est tué d'une flèche... ou d'un coup de hache, mais peut importe, cela met son armée en déroute. La victoire appartient donc à Clovis... et au dieu des chrétiens.

    Clovis baptemeFidèle à sa promesse, et parce qu’il a plus que tout besoin du soutien du clergé gallo-romain qui représente la population gauloise où les évêques jouent le premier rôle dans les cités depuis que se sont effacées les autorités civiles, et demeurent les réels maîtres des cadres du pouvoir antique en Gaule (c'est-à-dire également des zones où se concentrait encore la richesse) Clovis demande le baptême. C'est donc à Noël, le 25 décembre 496, que Clovis reçoit à Reims le baptême avec 3 000 guerriers. Rémi, l'évêque de Reims l’interpelle d’une voix éloquente en ces termes : « Courbe doucement la tête, ô fier Sicambre ; adore ce que tu as brûlé, brûle ce que tu as adoré ».
    Le baptême de Clovis accroît sans doute sa légitimité au sein de la population gallo-romaine, mais représente un pari dangereux : les Francs, comme les Germains, considèrent qu'un chef vaut par la protection que lui inspirent les dieux ; la conversion va à l'encontre de cela ; les Germains christianisés (Goths…) sont souvent ariens, car le roi y reste chef de l'Église.
    Clovis fait un pacte avec les Bretons et Armoricains de l'ouest. Comme le baptême était une condition de ce traité car les Bretons étaient déjà christianisés, ces derniers reconnaissent l'autorité de Clovis.

    En 499, il y a un souci avec les Burgondes ; Clovis s'est allié au roi burgonde de Genève, Goddégiste, qui veut s'emparer des territoires de son frère Gondebaud. Dans un premier temps, après la bataille de Dijon et sa victoire sur Gondebaud, Clovis contraint ce dernier à abandonner son royaume et à se réfugier en Avignon. Mais comme le roi wisigoth Alaric II se porte au secours de Gondebaud Clovis se décide à abandonner Goddégiste. Il se réconcilie avec Gondebaud et les deux rois signent un pacte d'alliance. Pour manifester l'équilibre de cette alliance, en 502, son fils Thierry épouse en secondes noces Suavgothe, fille de Sigismond, roi des Burgondes, dont il a une fille Theodechilde.

    En 507, un renversement d’alliances conduit à ce que l’empereur romain d’Orient empêche Théodoric, roi des Ostrogoths de secourir les Wisigoths. Clovis profite de l’occasion pour attaquer Alaric II qu’il tue en combat singulier à Vouillé près de Poitiers. La victoire acquise, il occupe toute l’Aquitaine jusqu’à Toulouse. Les Wisigoths se retirent en Hispanie. L’année suivante en 508, Clovis reçoit de l'empereur d'Orient Anastase Ier les « tablettes consulaires », ce qui le place au rang de patrice et consul honoraire. Il est salué comme « Auguste » au cours d'une cérémonie à Tours, marquant la continuation des bonnes relations avec l'Empire romain d’Orient dont Constantinople est la seule capitale. 

    Son pouvoir affermi, Clovis fait de Paris sa résidence principale ; l'ancienne Lutèce, qui porte désormais le nom de l'ancien peuple gaulois des Parisii accède au rang de capitale. Ses raisons sont principalement stratégiques car la cité at été une ville de garnison et une résidence impériale vers la fin de l'Empire. Elle bénéficie en outre de défenses naturelles et d'une bonne situation géographique protégée au sud par un rempart. En outre, un vaste et riche fisc (terre, forêt ou mine appartenant à la couronne) l'entoure. La ville de Lyon, ancienne « capitale des Gaules », perd définitivement sa suprématie politique dans l’isthme ouest-européen et Clovis est désormais le maître d'un unique royaume, correspondant à une portion occidentale de l'ancien Empire romain, allant de la moyenne vallée du Rhin, (l'embouchure du Rhin est toujours aux mains des tribus frisonnes) jusqu'aux Pyrénées, tenues par les Basques.
    Le royaume de Clovis ne comprend toutefois pas l'actuelle Bretagne, ni les régions méditerranéennes, ni les vallées du Rhône et de la Saône. Avec son installation à Paris, Clovis fait mettre par écrit et promulguer le premier pacte de loi salique (pactus legis salcæ) issue de larges emprunts au droit romain adapté à la tradition germanique. Il s'agit de substituer le droit romain aux coutumes barbares afin d'éviter les guerres privées (faides) comme moyen de règlement des conflits  et à la différence du droit romain, la loi salique se montre beaucoup plus clémente quant au traitement infligé aux criminels : diverses amendes régissent les crimes et délits, permettant ainsi d'éviter la peine de mort. La loi salique s'applique à tous les Francs. 

    J’ignore s’il sentait sa mort venir lorsqu’en juillet 511, Clovis réunit un concile des Gaules à Orléans, qui prend fin le dimanche 10 juillet avec sa désignation comme « Rex Gloriosissimus, fils de la Sainte Église catholique », à l’unanimité des trente-deux évêques présents. Ce concile est capital dans l'établissement des bonnes relations entre le roi qui ne se pose pas en chef de l’Église catholique et l’épiscopat remis en ordre pour faciliter la conversion et l’assimilation des Francs convertis et des ariens. Il limite les incestes (brisant ainsi la tradition germanique matriarcale des clans familiaux endogames), partage les tâches entre administration et Église, restaure les liens avec la papauté. Entre autre, il s'agit là d'endiguer les fuites fiscales que les vocations, motivées par l'immunité, provoquent chez les plus riches, le roi se voit attribuer le droit de désigner les évêques. la chasteté des clercs et la subordination des abbés  aux évêques sont rappelées, les clercs hérétiques ayant reconnu la foi catholique peuvent retrouver une fonction et les établissements religieux repris aux ariens sont consacrés dans la foi catholique. Le droit d'asile est élargi à l'ensemble des bâtiments entourant les églises pour permettre à un fugitif de trouver refuge dans les édifices sacrés, avec l'assurance de pouvoir y être logé convenablement, sans avoir à profaner les édifices. Les terres royales accordées à l'Église se voient exemptées d'impôt afin d'y entretenir les clercs, les pauvres et les prisonniers. Plusieurs superstitions, tel que les « sort des saints », coutume consistant à ouvrir au hasard les livres sacrés tel que la Bible et interpréter comme un oracle le texte apparaissant sous les yeux du lecteur, se voient condamnées une seconde fois, après le concile de Vanne de 465. 

    Clovis meurt à Paris le 27 novembre 511, âgé de 45 ans victime d'une affection aiguë qui le terrasse au bout de trois semaines. 

    Je vous laisse car je dois me préparer pour l’inhumation qui va avoir lieu dans la basilique des Saints-Apôtres (Saint-Pierre et Saint-Paul), dans le sacrarium, un mausolée qu’il avait fait construire sur le tombeau même de Sainte-Geneviève, la sainte tutélaire de la cité.

    A suivre

    En savoir plus sur http://http://www.fabulgone.com/pages/feuilleton/fiction-historique/saison-5.html


  • Commentaires

    Aucun commentaire pour le moment

    Suivre le flux RSS des commentaires


    Ajouter un commentaire

    Nom / Pseudo :

    E-mail (facultatif) :

    Site Web (facultatif) :

    Commentaire :