• 40e épisode - Aetius et Attila "frères ennemis"

    Journal de Fabullus le jeune (suite)
    L'incursion hunnique en Gaule 

    Ce qui caractérise l’empereur Valentinien III, ce n’est ni sa vaillance au combat, ni ses qualités de stratège mais son intransigeance en émettant des édits de persécution contre les païens  et en faisant de même avec les chrétiens non catholiques. Sa rigueur morale ou peut-être sa jalousie, le pousse à faire assassiner l’amant de sa sœur Honoria, l’envoyant à Constantinople et lui interdisant de se marier.
    En cherchant à se venger, la drôlesse va précipiter le rythme de l’histoire.
    Elle demande secrètement l’aide d’Attila contre son frère ;  pour cela, elle lui envoie sa bague. Le grand chef des Huns considère l’envoi de la bague comme une demande en mariage. Il réclame alors à Valentinien, la Gaule comme dot. L’empereur interloqué refuse.

    Alors vexé, Attila ne fait ni une ni deux, il envahit la Gaule en 450.
    Tandis qu’avec ses troupes il dévaste pille et massacre joyeusement sur son passage les villes de Strasbourg, Metz et Reims et se dirige vers Troyes et Orléans en évitant Paris (ce qui alimentera l’intervention « divine » de Sainte Geneviève), Aetius grâce aux bons offices d’Avitus s’allie avec Théodoric roi des Wisigoths ; puis il forme avec l’armée romaine une coalition composé de nombreux fédérés qui bien sûr ne veulent pas être dépossédés de leurs territoires, Francs Saliens dirigés par Mérovée (qui a succédé à Clodion mort en 447) et Ripuaires, Burgondes et Alains.
    Attila ne parvient pas à s’emparer d’Aurelianum (Orléans) et, lorsqu'il apprend  l’approche d’Aetius, il rebrousse chemin en direction de Troyes. Nous voilà en ce début d’été 451, proche de Châlons-en-Champagne à  Duro Catalaunum (les Champs Catalauniques). Les deux armées sont face à face, prêtes à un combat fratricide entre germains (l’armée d’Attila comportant aussi des Goths, des Francs, des Sarmates...).
    J’assiste aux dernières consignes données par Aetius avant de me reposer dans ma tente, où je ne trouve pas le sommeil, conscient d’être le témoin d’une bataille décisive pour l’avenir du monde occidental. Le lendemain dès l’aube, les Alains essuient le premier choc de l’assaut des Huns, tandis que les Francs Saliens menés par Mérovée parviennent à les déborder sur leur flanc et à les mettre en déroute. Dans la journée, le roi des Wisigoths, Théodoric 1er est tué par Valamir, roi des Ostrogoths ; son fils Thorismond, proclamé roi sur le champ de bataille, veut se lancer à la poursuite des Huns, mais Aetius le convainc de rentrer à Toulouse pour régler la succession de son père.

    Tandis qu’Attila allume un grand bûcher, sans doute pour s’y jeter vivant afin de ne pas subir la honte de la défaite et que Mérovée s’apprête à l’assaut final, Aetius intervient : « Il y a déjà eu trop de morts en cette journée, laissons l’ennemi partir sans honte. Rejoins tes terres, emporte la part du butin que nous avons récupéré et qui te revient. Consolide ta position en Gaule avec suffisamment de braves sous ton autorité. » Effectivement, après le départ des Francs,  les barbares se replient marquant ainsi la fin des incursions hunniques en Gaule. Je regarde alors les deux « frères ennemis » se toiser avant que chacun ne s’en retourne en sachant qu’ils ne se reverront plus.

    Je rejoins Ravenne en 452, où je constate que la cour fourmille de sénateurs jaloux des succès du magister militum qui font répandre le bruit qu’il a délibérément laissé la liberté à Attila, qu’il n’est qu’un « Hun romanisé » et qu’il pourrait bien s’emparer de la pourpre impériale. Effaré, je pars à la rencontre d’Aetius. Celui-ci arrive d'Aquitaine où en 453 il vient de réussir à ramener le calme dans la succession de Thorismond victime d’un complot et remplacé par Théodoric II lequel réaffirme le statut de fédéré de son peuple par rapport à l’Empire romain.
    Je le retrouve en Arles où il rédige ses mémoires pour son fils Gaudentius Flavius. Je l’informe des risques qu’il encoure, mais il me rétorque : « Ne te remue pas les boyaux du cerveau, ne suis-je pas triomphant et couvert d’un énorme butin qui fera taire les médisants. Mes mémoires suffiront à laver mon honneur et à rétablir la vérité. Pars à Lugdunum rejoindre ton fils et ne te fais pas de bile ». Je le quitte dans une dernière accolade pas rassuré pour autant.
    Mes pressentiments  se révèlent exacts car le 21 septembre 454 reçu en audience par Valentinien III, ce dernier, traitreusement le poignarde, l’envoyant rejoindre la camarde. Procope relate que d'un Romain à qui Valentinien demandait s'il avait bien fait, il reçut cette réponse : « Je ne sais si vous avez bien ou mal fait, mais je sais que de la main gauche vous vous êtes coupé la droite ». Aetius sera vengé six mois plus tard le 16 mars 455 par deux membres de sa garde personnelle, Optila et Thraustila, qui assassinent l'empereur Valentinien III  sur l’instigation du sénateur Pétrone Maxime qui revêt aussi sec, la pourpre impériale. 

    La lente descente aux enfers de l’Empire d’occident va commencer.
    Deux mois plus tard, le 31 mai, Pétrone Maxime est lynché par la foule alors qu’il cherchait à fuir Rome de nouveau envahie par les Vandales de Genseric.
    Avitus qui avait aidé Aetius et qui avait été nommé magister militum était ce jour-là à Toulouse en mission diplomatique. Alors, Théodoric lui propose la pourpre qu’il accepte après avoir obtenu l'aval des sénateurs gallo-romains lors d'une réunion. Il est proclamé empereur en Arles le 9 juillet 455. Il se rend en Pannonie pour conclure un traité avec les Ostrogoths qui s’engagent à défendre les frontières du nord de l’empire et en septembre, à Rome, il reçoit confirmation de son statut par Marcien, empereur d’Orient. Il nomme le Wisigoth Ricimer magister militum. Hélas, à cause de ses origines gauloises (il était noble mais Arverne) les Romains d’Italie font un peu la bobe à Avitus. Aussi, lorsqu’il échoue dans sa campagne contre les Vandales, Ricimer retourne sa veste, et s’associe à Majorien chef de la garde impériale. Les deux complces fomentent un coup d’état, s’emparent de Ravenne et battent Avitus à la bataille de Plaisance le 18 octobre 456. Ils lui laissent la vie sauve s’il accepte sa nomination d’évêque de Plaisance. Mais, craignant pour sa vie, Avitus cherche refuge en Gaule et bizarrement, il meurt en chemin !!! L’empereur d’Orient Léon 1er, qui a succédé à Marcien et qui est le seul empereur légitime accorde le titre de patrice à Ricimer et de magister militum à Majorien mais ils sont cette fois récusés par les aristocrates gallo-romains, les Burgondes et les Wisigoths et donc en avril 457, nommé empereur par l’armée d’Italie, Majorien n’occupe plus que l’Italie et le sud de la Gaule.

    Il va y avoir encore quelques soubresauts avant que la Gaule ne soit Francisée et partagée en pluri-royaumes mais ceci est une autre histoire.

    Fin de l'épisode, à suivre...

    Carte du monde romain en 454 - Pour agrandir l'image, clic droit en pointant dessus et sélectionner "ouvrir le lien dans un nouvel onglet" 

    L empire en 454


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