• Qu'il est plus aigu que la dent d'un serpent d'avoir un enfant ingrat.
    William Shakespeare
     

    Accoucher est une épreuve, créer un pantin de bois polisson aussi ! 

    Encore un chouia groggy, Cerise bieurla : 
    C’est ouvert, poussez et entrez.
    Geppetto, sculpteur sur bois et ami d’Antonio, encarra dans la turne ; arnouchant son ami en fâcheuse position, il demanda :
    - Qu’est-ce donc que tu bricoles à crapotons ?
    - J’apprends le calcul aux fourmis, grommelle Cerise qui ne voulait pas passer pour un froussard. 
    Noble tâche mon ami ! Je viens en fait pour un petit service. J’ai gambergé que si j’avais une marionnette qui sache tricoter des gambettes, manier l’épée et faire des cabrioles, je pourrais décaniller de se coinsto pour aller gagner du flouze dans les villages et les villes en suivant les gens du voyage comme marionnettiste.J’ai entendu parler d’un certain Mourguet, qui de l’autre côté des Alpes a fait un tabac avec une marionnette du nom de Guignol et que son théâtre perdure avec ses héritiers du côté de Lyon. Peut-être que ma marionnette aura, elle aussi, une renommée internationale ! En attendant, aurais-tu un morceau de bois que je puisse façonner ?


    Y’a pas de lézard Polenta, piaula la voix de fausset venue du rondin. 
    Les mouflets du village surnommaient ainsi Geppetto à cause de sa perruque couleur farine de maïs ce  qui mettait le sculpteur en colère et les gamins faisaient vite feux des deux fuseaux pour éviter les taloches qu’ils méritaient. 
    Croyant que la phrase venait de Cerise, Geppetto  le houspilla et les deux hommes en vinrent aux mains jusqu’à tant qu’épuisés, ils se rabibochent et que Cerise ayant expliqué le côté un peu magique du morceau de bois, décide de se débarrasser du rondin en le remettant à Geppetto. Aussi sec, après avoir remercié, le sculpteur s’en retourna vers sa bicoque.

    Épisode 2 - la créationLui aussi était dans la mouise et créchait dans une piaule minable avec pour mobilier, une table vermoulue, un tabouret bancal et un bardanier avachi.C’était tellement la précarité en ces temps-là et Coluche n’avait pas encore fondé les Restos du cœur, que le poêle au fond de la pièce sur lequel chauffait une galtouse fumante, n’était qu’une peinture en trompe l’œil dessinée sur le mur ; ça lui permettait de croire qu’il avait de quoi se tuber à s’en faire peter la ventraille alors qu’il graillait le plus souvent à la table qui recule, vusse qu’il avait son frigo plus vide que l’esprit d’un caquenano. 

     

    Pour l’heure il n’avait qu’une hâte : se mettre au turbin. Rajoutant un peu de boulets d’anthracite dans le braséro pour se chauffer un peu les mains, Il prit une gouge et commença de façonner le rondin en commençant par le haut, c’est-à-dire les tifs, le front, les sourcils et des gobilles toutes rondes qui le lorgnèrent avec insolence. Lorsqu’il s’attaqua au tarin, celui-ci ne cessait de grandir ; plus il le taillait plus le pif s’allongeait. Perplexe, il le laissa d’une bonne longueur en se grattant la tête, éjectant un cuchon de pellicules que t’aurais dit une boule à neige à la retournette. Ayant achevé la boite à dominos, celle-ci ricana, se moqua de lui et finit même par lui tirer la langue. Lorsque les brandillons furent achevés avec les mains et les doigts, ceux-ci s’agitèrent et lui piquèrent sa moumoute que l’effronté se mit sur le ciboulot. Mais le pire, c’est quand les guiboles et les ripatons furent terminés, car ils se balancèrent et Geppetto en reçu un vilain bourre pif. 
    T’es à peine fini que déjà tu manques de respect à ton paternel, tu n’es qu’un sale mioche ! Gémit l’ancêtre. Mais regardant avec  tendresse son œuvre, il décida d’appeler le pantin Pinocchio. 
    Dans le Florentin familier, ce mot signifie « pignon » et en italien classique on dit pinolo avec l’expression "duro come un pinolo" pour une personne au caractère bien trempé. 
    Il le posa à terre où, un peu mou des genoux, il mit quelques minutes aidé de son créateur pour apprendre à marcher. À peine était-il bien assuré sur ses arpions, tournant, virevoltant qu’il se dirigea vers la porte  d’entrée, souleva le loqueteau et vif comme l’éclair gicla sur le trottoir, s’ensauvant, poursuivi à grand peine par Geppetto et provoquant l’hilarité des badauds devant ce spectacle. Alerté par le boucan, un argousin moustachu, que s’il n’avait pas son bicorne tu l’aurais pris pour un phoque, s’interposa et agricha le pantin par le pif. 

    Fin de l’épisode à suivre... 

    Que va-t-il se passer ?

    Réponse A – Le gendarme va confisquer la marionnette et dresser procès-verbal à Geppetto pour trouble à l’ordre public. 
    Réponse B – les badauds vont prendre fait et cause pour le pantin que le gendarme va laisser partir avant de conduire Geppetto au poste. 
    Réponse C – La fée bleue va se pointer, transformer la marionnette en souris et Geppetto en chat qui va bouloter séance tenante la souris avant de redevenir humain et de mourir d’un infarctus réalisant son crime. 
    Réponse D – La fée bleue va se pointer et d’un coup de baguette magique va transformer Pinocchio en Cyrano de Bergerac et le téléporter dans une autre histoire. Perdez pas patience je relis le bouquin de Rostand et je reviens pour la suite...  

    Glossaire : je mets les mots nouveaux (voir aussi le glossaire des épisodes de Blanche-Neige). 

    Tricoter des gambettes – danser, gambiller... 
    Flouze – argent, pognon, artiche, picaillon, braise... 
    Rabibocher – remettre en état quelque chose d’abimé et donc se rabibocher, c’est se réconcilier. 
    Bardanier – en lyonnais, le lit, la bardane étant la punaise de lit ; en argot on dit pucier dans le même esprit. 
    Galtouze ou galtouse – à l’origine c’est la gamelle d’un prisonnier et c’est donc une casserole ordinaire, pas une cocotte en fonte. 
    Se tuber à s’en faire peter la ventraille – mâchonner, faire un gueuleton, se goinfrer avec l’idée d’abondance. 
    Grailler à la table qui recule – une métaphore pour montrer celui qui veut manger et imagine une table pleine de victuailles laquelle recule quand il s’approche. C’est jeuner. 
    Caquenano – en lyonnais, personne niaise qui est aussi emprunté, empoté. 
    Cuchon – en lyonnais : quantité ; Un des rares mots de ce parler régional encore bien utilisé de nos jours. 
    Boite à dominos – nous avons ici la bouche et les dents, mais c’est aussi un cercueil avec le squelette. 
    Guiboles, ripatons, arpions – les jambes, les pieds et les orteils. Argousin – policier, gendarme, vient de agosin qui désignait au XVe siècle l’officier subalterne chargé de la surveillance des forçats. 
    Agricher – attraper fermement avec l’idée de tenir les mains comme des griffes, accrocher.   


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  • Nous voilà repartit pour un nouveau feuilleton ; Accrochez vos ceintures

    Il était une fois.
    Rien que de lire, écrire ou entendre cette simple phrase, tu frissonnes ; tu sais que tu t’embarques dans une aventure croquignolesque qui te fera sourire, rire, grimacer, pleurer, hurler, hausser les épaules, baisser les bras, fermer les yeux, ouvrir les oreilles (personnellement, les miennes ne sont jamais fermées et je n’ai jamais vu un blaireau avoir les étiquettes qui se refermaient sur son circuit auditif), bref te voilà embringué dans un conte de fées. Et ça, c’est bien un truc d’adulte pour te faire passer une leçon de morale et t’éducationné sur les choses de la vie.

    Sans compter que ça peut se montrer dangereux. Non ! Si ! La preuve ! Écoute, écoute... 
    Quand j’étais momignard, j’allais à la cambrousse en champ aux vaches, c’est-à-dire placé chez un paysan où je participais de juillet à septembre aux travaux agricoles, les foins, la moisson, les fruits, les vendanges et j’avais en garde une chèvre, blanche comme celle de monsieur Seguin, mais moins foldingo car elle ne s’éloignait pas de la ferme au grand désespoir du loup qui restait la langue sur les godasses ou ses pattes, si tu préfères. Dans les faits, ma participation aux taches agricultesques était symbolique.
    Désolé pour les fans de Victor Hugo, j’étais pas chez les Thénardier, mais chez de braves gens. Lui était président du comité des fêtes et sa fille avait épousé le facteur qui était le chef de la fanfare.
    Je les accompagnais toutes les semaines dans les fêtes de village du Beaujolais. Quand tu as dix ans, c’est le bonheur absolu et j’en garde le souvenir. Mais bon, oublions cette belle tranche de vie pour revenir à notre propos sur le danger de certains contes.

    Il y avait dans une ferme voisine une petite drôlesse, un peu culcul-la-praline, gentillette mais pas très futée rusée ; Elle venait parfois par chez nous avec sa maman.  Un jour que nous causions à côté d’un marigot, elle me dit en arnouchant un crapaud : 
    - Je vais lui taper la bise, il va se transformer en prince et moi en princesse et tu seras mon écuyer.
    Avant que je rebrique, elle chope la bestiole et lui bise la tête ; beurk, beurk ! Je te dis pas la « cata » avant de compter jusqu’à dix, ses lèvres se mirent à doubler de volume et des petits bubons se formèrent autour de sa bouche, de l’impétigo, je crois.
    En fait de royaume, elle récolta une fessée et dû manger sa soupe avec une paille pendant trois jours. Depuis, j’ai toujours eu un doute sur ce que racontaient les grandes personnes. Et puis d’abord, le crapaud y causait pas, ça pouvait pas être un prince !

    Mais commençons notre histoire. 

    C’n’est pas du Disney mais du Carlo Lorenzini connu sous le pseudonyme de Collodi et ça se passe dans un petit village pauvre, des autrefois, en Italie.

    Il était une fois donc un micheton d’un âge avancé qui exerçait la profession de menuisier. Il avait pour blase Antonio, mais était surnommé maître Cerise à cause de son tarin rouge et brillant. Il faut préciser, qu’il ne suçait pas de la glace et carburait au gros rouge qui tache, un beaujolpif de derrière les fagots que son estogome, blindé comme un char Patton parvenait à supporter.
     

    Un jour qu’il vadrouillait dans la forêt, il dégota un bout de bois, une sorte de rondin long et droit, du tilleul, un bois facile à tailler et léger. Idéal pour un pied de guéridon, pensa-t-il. Tout content, il le mit sur son épaule et rallégea dans sa carrée.  
    S’enquillant dans son atelier, il prit une hachette bien affutée pour enlever l’écorce et le dégrossir, mais à peine donna-t-il le premier coup qu’une voix de quinche supplia : - Frappes pas si fort !

    Alors là, croies-moi, la binette de Cerise vaut son pesant de gratons ; elle vira cramoisie, pareille à celle qu’a du avoir Jeanne, la bergère de Domrémy  du côté de Fassolle-la-scie-d’eau, qu’avait trouvé sa voie en entendant celles qui lui parvenaient d’en haut. Des mauvaises langues disent qu’elle confondait l’eau claire avec le schnaps aux mirabelles, mais ceci ne nous regarde pas.

    Cerise fit le tour de sa casbah, lorgna sous l’établi, dans l’armoire à outils et la panière pleine de copeaux et de sciure ; mais fifrelette, personne, pas même la queue d’un rat. Se gratouillant la perruque en chassant au passage quelques poux, il se remit au chagrin, repris la hache et coupa un morceau d’écorce.  
    - Aïe ! Sauvage, tu m’as fait mal ! reprit la voix.

    Nom d’une lime-râpe ! s’exclama le bonhomme, on dirait que ça vient de la bûche ; serait-elle habitée par un gnome ou un farfadet ? Il la saisit, la secoua dans tous les sens, la frappa sur l’établi, contre le mur, puis en approchant ses portugaises du morceau de bois, il écouta attentivement, mais aucun son n’en sortit.

    - J’ai dû avoir des hallucinogènations, se dit-il ; faudrait peut-être que je force moins sur la bibine ! Il prit son rabot pour adoucir le rondin. Au deuxième aller-retour de la varlope, la voix pointue recommença :

    - Hi ! Hi ! Hi ! Arrête de me faire des papouilles, je suis chatouilleux comme un adjupète sur le règlement.

    S'en était trop, Cerise partit à dame et se retrouva le cul par terre comme sonné. C’est alors qu’on frappa à la lourde de son estanco. 

    Fin de l’épisode, à suivre...


    Qui c’est y donc qui vient ?
    Réponse A – Blanche-Neige et le prince Catodik ; elle est enceinte et ils viennent commander un berceau.
    Réponse B – Le facteur venu apporter un commandement d’huissier vusse qu’il a trois mois de retard dans ses paiements à l’URSSAF (Union de Récupération et de Saisie des Sous des Artisans Fauchés).
    Réponse C – Son copain Geppetto sculpteur sur bois et aussi à la dèche que lui et qui vient lui demander un petit service.
    Réponse D – L’instituteur du village pour la commande de nouveau bureaux pour la rentrée prochaine. (L’instruction publique primaire étant devenue obligatoire).

    Glossaire
    Étiquettes - ce sont les oreilles.  
    Vadrouiller
    marcher, vagabonder sans but précis.
    Dégoter – trouver, découvrir.
    Carrée – chambre, maison quelconque.  
    Fifrelette - vient de fifrelin qui signifie pas grand-chose et donc c’est un peu comme dire ‘rien du tout’  puisque si peu de choses.
    Lourde, c’est une porte, mais s’emploie surtout pour une porte d’entrée massive, pas une porte d’intérieur. 


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