• Depuis septembre 476, l'Occident ne compte plus d'empereur romain mais cela ne signifie pas pour autant, la disparition du monde Gallo-romain et sa civilisation qui restent représentés par la noblesse et l'essor de l'épiscopat. C'est pourquoi nous continuons de suivre les transformations et bouleversements qui vont modifier profondemment le monde occidental. Nos correspondants restent issus de la lignée des Fabullus et voici maintenant le récit de Junius, fils de Fabullus le jeune, qui résidait à Clermont avec son parrain Sidoine Apollinaire. Suivant la voie de son père, il était un écrivain reconnu et érudit. En 462, il fut envoyé en qualité de plénipotentiaire laïc, du pape Hilaire à la cour du roi Childéric 1er, roi des Francs saliens. Voici quelques extraits de son journal :

    Ma représentation comme laïc du pape Hilaire, vise à promouvoir la neutralité de l'Eglise de Rome auprès des rois germaniques fédérés malgré qu'ils soient attachés à l'hérésie arianiste. Petit rappel de la situation : après avoir désigné Rome comme étant le siège apostolique, en 354, le pape Libère fixe la naissance du christ au 25 décembre. Il s’agissait de faire coïncider cette date avec la fête traditionnelle romaine des saturnales qui était aussi celle de Sol Invictus (le Soleil Vainqueur du culte de Mithra) qui annonçe le retour du soleil après le solstice d’hiver. Ce choix permet surtout de rappeler que Jésus représente la lumière du monde et donc il ne pouvait naître qu’à cette période. 
    Le 25 décembre est depuis une date sacrée dans l’évangélisation progressive du christianisme conciliaire et trinitaire (catholicisme) qui prône l’égalité entre le Père, le Fils et le Saint-Esprit offrant ainsi une doctrine cohérente face à l’arianisme qui reconnaît les pouvoirs extraordinaire du Messie tout en ne lui reconnaissant pas la déité et le plaçant hors l’Eglise.

    Depuis le milieu du IVe siècle les peuples fédérés les plus romanisés (Burgondes, Ostrogoths, Wisigoths, Vandales...) adoptent le christianisme mais dans sa version arienne. Et donc, avec les derniers empereurs romains d’occident et l’établissement des royaumes barbares, l’obédience conciliaire décline au profit de l’arianisme. En ce qui concerne les Francs, ils restent païens et partagent avec d’autres tribus de Germanie, le culte des Ases desquels descendent les familles royales ce qui fait que les rois sont à la fois chefs de guerre, et détenteurs du pouvoir spirituel et bien sûr lorsqu’ils se convertissent, ils optent pour l’arianisme qui leur permet de concentrer leurs pouvoirs sur trois plans : la guerre, l’Etat et la religion.

    L’Eglise conciliaire quant à elle, reste très influente dans la noblesse gallo-romaine et s’appuie sur le partage des pouvoirs entre le roi laïc (pouvoir temporel) et le pape (pouvoir spirituel) avec plus ou moins de succès et un minimum de tolérance de la part des rois barbares.


    A la fin du Ve siècle, profitant de la faillite des empereurs romains, les royaumes barbares en Gaule cherchent à étendre leurs influences et leurs frontières. Les Francs au nord-est (Gaule Belge jusqu'à la frontière rhénane et de Reims à Amiens et Boulogne), les Burgondes en Savoie (Sapaudie) et Lyonnais, les Wisigoths au sud de la Loire en Languedoc et dans la vallée de la Garonne ainsi qu’en Espagne (ils sont les moins tolérants avec les chrétiens conciliaires qu’ils dominent), Les Ostrogoths présents en Provence cherchent surtout le maintien de l’équilibre entre les royaumes. Quant à l’empire d’Orient il s’efforce à distance, de contenir les souverains germaniques. Dans cette mosaïque nous trouvons un « royaume romain » ou devrais-je dire, une enclave, dirigée par un général romain, Syagrius, établi dans la région de Soissons.

    C’est dans ce contexte chaotique que va émerger le fondement du territoire qui deviendra le royaume de France. Les Francs saliens ont à leur tête, Childéric un chaud lapin qui finit par se ranger des voitures après avoir séduit et épousé Basine reine de Thuringe, qu’il ramène avec lui à Tournai. De leur union nait en 466, Chlodowig (qui signifie « celui qui s’illustre dans la bataille). A la demande de Basine, je suis alors désigné pour être son précepteur. Chlodowig passe ses premières années, comme il se doit dans le gynécée des femmes ; il parle le francique, langue germanique, et je lui apprends le latin puisqu’il devra succéder à son père. Ce dernier, lui offre pour ses sept ans un bouclier et un scramasaxe de cérémonie, couteau-épée d'une vingtaine de centimètres, à la fois pointu et coupant, qui se porte dans un étui simple, le plus souvent horizontalement dans le dos au niveau de la taille ; c’est une arme et un outil à tout faire (en quelque sorte l’opinel que l’on offrait au garçon avec sa première montre bracelet, le jour de sa première communion soit vers les neuf ans « note de l’auteur »).

    Dès sa majorité (douze ans) et avant qu’il ne soit en âge de combattre (quinze ans), des instructeurs sont chargé de lui donner une instruction basée sur la guerre : équitation, activités sportives et chasse. Ils lui adjoignent mon propre fils Maëlius alors âgé de 18ans, venu faire, parmi la garde rapprochée de Childéric, sa propre formation militaire. Les deux garçons s’apprécient rapidement et deviennent de joyeux compagnons aussi prompts à la sottise que sérieux dans leur formation.

    En 481, Childéric ferme son parapluie et son fils est proclamé roi des Francs sous le nom de Clovis. Connaissant le caractère volontaire et rude du jeune roi, Maëlius se place en retrait ; il décide de rester à ses côtés et se propose comme simple chroniqueur sans prendre parti. Clovis qui était chagriné de perdre son ami, accepte l'offre et le nomme accompagnateur.

    Je suis convaincu que sa destinée marquera l’avenir ! déclare Maëlius à son père.

    Je te laisse prendre ma suite, je retourne à Clermont, lui répond ce dernier.

    Voyons ce que  les chroniques de Maëlius vont nous apprendre...

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  • Fabullus le jeune était retourné à Lugdunum début 454 pour rejoindre son épouse et son fils Junius né en 431. Celui-ci avait suivi ses études et s’était lié d’amitié avec Sidoine dont il partageait la passion des lettres. 

    41e épisode - Sidoine ApollinaireSidoine Apollinaire né à Lyon en 430 est un jeune noble gallo-romain (son père, son grand-père et son arrière-grand-père ont occupé la haute fonction de préfet du prétoire des Gaules). Épris d’Ovide et de Virgile. Il s’imposa rapidement comme l’un des écrivains et poètes les plus fameux de ce Vsiècle. Lorsque Sidoine épousa en 452 Papianille la fille d’Avitus, Junius son ami, avait été le témoin de leur mariage et lorsqu’Avitus devint empereur en 456, il fit de Sidoine le panégyriste de Rome (celui qui écrit les louanges sans réserve, lors des intronisations officielles) car son talent était particulièrement recherché par les personnalités en postes, les plus illustres. 

    Tous nos amis furent profondément affectés de la fin tragique d’Avitus destitué par Ricimer et Majorien, et qui finit par se faire rattraper en avril 457, par la grande faucheuse, alors qu'il cherchait à rentrer en Gaule. L'histoire ne le dit pas, mais nous pensons qu'il a en fait été assassiné sous l'instigation de Ricimer. 

    Fort heureusement, le nouvel empereur Majorien se montre clément envers l’entourage de ceux qui avaient été proche d'Avitus. Il a sans doute été motivé par la plume de Sidoine qui se montre reconnaissant et consacre à son nouveau protecteur un panégyrique célébrant l’énergie, et le courage volontaire de celui qui s’est imposé dans son action contre les Vandales installés en Afrique et qui vient de partir en expédition pour la reconquête de la Gaule à partir de l'Hispanie.

    Manque de chance, il perd la bataille près de Valence (Espagne) et retourne en Italie. Coup de théâtre ! le consul magister militum Ricimer qui n’appréciait pas que l’empereur se soit émancipé et lui fasse de l’ombre, le fait arrêter et exécuter le 7 août 461. Il met à sa place Libius Severus qu'il juge plus docile. C'est vraiment la chienlit qui colle aux baskets de Rome, car Léon 1er empereur d’Orient n’accepte pas de reconnaître Severus comme empereur d’Occident et pour en rajouter et mettre la pression, il signe la paix avec les vandales en 462 pour le compte de l’empire d’Orient, ce qui laisse le champ libre à Genséric pour attaquer la partie occidentale de l’empire romain. Aujourd’hui, on traiterait Léon d’enfoiré car en faisant cela il affaiblit encore plus l’Occident défaillant.
    Le climat est devenu orageux, alors Sidoine Apollinaire choisit de se retirer à Arvernis (Clermont-Ferrand), accompagné de sa femme, de son ami Fabullus Junius et de Claudia la femme de Junius; Les deux amis se livrent alors aux plaisirs studieux de l’otium (retraite de la vie publique occupée au développement personnel, artistique et intellectuel [éloquence, philosophie, écriture]). Ils vont y rester cinq ans et fréquenterons la cour du roi wisigothique Théodoric II à Toulouse.

    Pendant ce temps, Ricimer va devoir affronter la fronde de deux « magister militum » Aegidius et Marcellinus amis de Majorien et en plus il doit repousser les attaques des Vandales. Pour s'en sortir, il va même aller jusqu’à faire empoisonner Severus sur l’instigation de Léon 1er en 465, puis il dirige seul l’Occident jusqu’à la nomination, dix-sept mois plus tard, d’Anthémius, en 467 par Léon 1er. Pour l’avènement du nouvel empereur, Sidoine de retour à Ravenne, lui consacre un nouveau panégyrique et Anthémius, en remerciement le nomme préfet de Rome où il se rend avec ses amis. Il y reste une année sans parvenir à s’illustrer pour vaincre le mécontentement du peuple et les famines liées au manque d’approvisionnement en blé africain depuis la prise de Carthage en 439, par les vandales de Genséric.

    Il rentre en Gaule en 469 où il défend son ami Arvendus préfet du prétoire des Gaules, accusé d’avoir exhorté le roi wisigoth Euric à attaquer Anthémius. Grâce à l’intervention de Sidoine, Arvendus n'est pas condamné à mort mais seulement exilé. Cela vaut tout de même à Sidoine de devenir infréquentable ce qui ne dure pas car il est nommé évêque d’Auvergne en 471. Les prérogatives de l’évêque sont alors très importantes, dans le domaine religieux bien sûr, mais également dans les domaines politiques, diplomatiques et administratifs.
    C’est précisément dans ce cadre que le nouvel évêque organise, conjointement avec Ecditius son beau-frère, fils d'Avitus, un noble riche et influent qui réside en Auvergne, la défense de la ville de Clermont de 470 à 475 face aux troupes wisigothes du roi Euric devenues hostiles à Rome. Ecditius pour ses prouesses est nommé patrice en 474. Malheureusement, la ville va tomber, Sidoine est emprisonné pendant deux ans et retrouve sa liberté au prix d’un panégyrique forcé d’Euric. Il va dès lors se consacrer à son sacerdoce et à l’écriture. Il meurt en 486 à Clermont après avoir laissé un témoignage multiple : littéraire social, philosophique et politique sur le Ve siècle, d’autant qu’il écrit en latin et relate avec justesse les vicissitudes propres à la fin du monde romain. Ses Carmina (poèmes) et Epistulae (lettres) sont une mine d’or pour les historiens.



    Pour résumer, pendant ce temps-là, une coalition, menée par Ricimer et son neveu burgonde Gondebaud, ainsi que Marcellinus avec qui il s'était rabiboché, et les armées de Léon 1
    er, tente de vaincre les vandales sans y parvenir occasionnant de lourdes pertes aux armées impériales. Anthémius sera arrêté pour incompétence, condamné et décapité le 11 juillet 472. Ricimer place Olybrius pour le remplacer mais tout part en brioche car Ricimer ferme son parapluie suite à une hémorragie cérébrale le 18 août suivi d'Olybrius qui n'a régné que treize jours avant de crevogner lui-aussi. 
    41e épisode - Sidoine ApollinaireTout va se précipiter : Gondebaud qui a remplacé Ricimer nomme en mars 473, Glycerius en remplacement d'Olybrius. Mais pour ne pas être en reste, Léon 1er rejoint lui-aussi la camarde en janvier 474 et Zénon qui le remplace en février nomme en avril Népos empereur d'Occident ; Glycerius est destitué et nommé évêque de Salone en Dalmatie. Népos est à son tour renversé le 28 août 475 par son général Flavius Oreste qui nomme son fils de 14 ans, Romulus Augustule, empereur le 31 octobre. Odoacre, un Skire (on dit aussi Scyre ou Squire), peuple allié aux Huns exécute Oreste capturé à Pavie puis il fait prisonnier et exile Romulus ; nous sommes en septembre 476.

    Plus aucun empereur romain d'occident ne règnera alors et les territoires sont morcelés pour la plupart en plusieurs royaumes germains, mais ceci est une autre histoire...  

    A suivre


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