• Journal de Fabullus le jeune (suite)
    De mon incorporation à 447 

    Comme il se doit dans l’éducation d’un jeune patricien, dès mon 17ème anniversaire en 422, j'incorpore l’armée en rejoignant le général Aetius qui dès son enfance avait été éduqué à la cour d’Honorius par Stillicon puis envoyé à dix ans (de 405 à 408) comme otage à la cour d’Alaric (roi des Wisigoths fédérés) en Mésie avant de passer ensuite de 409 à 412 trois années toujours comme otage à la cour de Ruga roi des Huns où il se lia d’amitié avec Attila, son neveu. Il avait ainsi pu apprécier la supériorité de ce peuple au combat. Aetius en était devenu un redoutable chef de guerre. 
    En août 423 à la mort d’Honorius la succession s’avère difficile ; le sénat romain de Varenne désigne Jean empereur. Celui-ci demande au général Aetius de rejoindre Attila pour recruter des mercenaires Huns. Le général dont j’étais l’aide de camp, me propose de l’accompagner. J’apprends ainsi à connaître la valeur de ces guerriers dénués de pitié, de pudeur et de morale. Ils étaient redoutés de leurs ennemis qui les comparaient à un vol de sauterelles s’abattant sur les champs de blé ; la crainte qu’ils inspiraient était telle que la rumeur prétendait que là où ils passaient, l’herbe ne repoussait pas : Attila était surnommé « le fléau de Dieu ». Fort heureusement, j’étais en sécurité grâce à l’amitié et au respect réciproque qui liaient ces deux chefs de guerre.
    Pendant les deux années que dura notre séjour, la situation se dégrada dans l’Empire occidental : en voici le résumé. Galla Placidia est à Constantinople lorsqu’elle apprend la nomination de Jean. Aussi sec elle réclame le trône pour son fils Valentinien auprès de l’empereur bysantin Théodose lequel intronise l'enfant, "César". Théodose envoie une forte armée à Ravenne, laquelle, en l’absence du général Aetius, n’a aucune peine pour prendre la ville en 425. Jean est exécuté. Valentinien III âgé de six ans devient empereur le 23 octobre 425 sous la tutelle de sa mère.

    Episode 39 - Aetius "le dernier des romains"Dès notre retour de mission, Aetius se rallie à Valentinien. En 426, il est nommé préfet du prétoire des Gaules par Galla Placidia. Il repousse les Francs orientaux au-delà du Rhin, soumet les bagaudes (bandes de paysans rebelles) d’Armorique, bat les Francs saliens du roi Clodion le Chevelu à Hélesmes, succès qui lui valent d’être élevé au grade de magister militum en 428 puis généralissime en 429 et sénateur passant quelques temps à la cour de Ravenne où, attaché à sa personne, je profite pleinement des privilèges accordés. Mais nous ne restons pas inactif et je rédige les clauses du traité de fédération conclu en 431 entre Aetius et Clodion accordant le statut de fédérés aux Francs saliens qui deviennent combattant pour Rome et s’installent près du fisc impérial de Tournai (à l’origine du futur royaume franc de Clovis : note de l’auteur).
    Pour l’anecdote, je précise que le terme "chevelu" associé à Clodion indique la marque distinctive matérielle de l’origine céleste des rois mérovingiens. En effet, si les guerriers francs se rasaient le derrière de la tête, seuls les rois conservaient leur chevelure intacte qui leur retombait sur les épaules ; tondre un roi équivalait à le déposer. C’est par respect pour cette coutume qu’Aetius avait à Hélesmes ordonné qu’on ne touche pas aux cheveux du roi ce qui avait surpris les légionnaires insensible à la poésie de ce symbolisme germanique.
    C’est peut-être là que vient l’expression « ne pas toucher à un seul cheveu de la tête de quelqu’un pour signifier qu’il ne faut pas lui causer de dommage !!! ».

    Nous aurions pu entrer dans une période faste pour l’Empire d’Occident si les ambitions et les soupçons ne venaient pas empoisonner les relations entre les principaux acteurs du redressement. Nous avons en effet deux personnages qui se partagent les faveurs de Galla Placidia, la régente. Aetius en Gaule et le général Boniface, sénateur et tribun militaire nommé en Afrique en 421, la partie la plus riche et la plus fidèle de Rome d'où Boniface avait contribué au renversement de Jean. Lorsqu’il est rappelé à Ravenne en 427, Boniface refuse : il est déclaré rebelle. Les troupes envoyées contre lui échouent et par vengeance il s’allie avec les Vandales de Genséric. Tout cela finit inévitablement par une bataille entre les deux généralissimes. Malgré la supériorité de Boniface, celui-ci est mortellement blessé à Rimini en 432.
    Galla Placidia le remplace par le comte (titre équivalent à généralissime) Sébastien. Mais Aetius, appuyé par les Huns de Bleda et Attila qui pénètrent en Italie, dépose Sébastien de son titre et celui-ci s’exile à Constantinople.
    En 434 Aetius règne alors en seul maître de l’Empire et devient Consul.  En 436, avec ses alliés Huns, il bat les Burgondes du roi Gondicaire  qui avaient atteint Toul. Comme à son habitude, Aetius négocie et accorde aux vaincus de s’implanter en Sapaudia, territoire entre les Alpes et le Jura où ils prennent le statut de fédérés. Galla Placidia lui accorde le titre de patrice en 435 et renouvelle son Consulat en 437. Il combat aussi les Wisigoth entre 439 et 440 et confie à Avitus la négociation d’une paix avec Théodoric auquel il accorde le statut de fédéré et lui octroie la province de Novempopulanie ou province des neuf peuples en Aquitaine et pour sceller cette alliance, Aetius épouse une fille de Théodoric. Aetius charge Goar roi des Alains de surveiller les Armoricains, mais l’Armorique demeure indépendante et les Saxons  s’implantent dans le Boulonnais et la Basse-Normandie. En 446, il est pour la troisième fois nommé consul et en 447 il renouvelle à Clodion son statut de fédéré à Tournai.

    Que voici, que voilà vingt-cinq années intenses et les chroniqueurs du futur donneront à Aetius le surnom mérité de « dernier des Romains ».
    Vous pensez que l’Empire romain d’Occident est reparti du bon pied.  Oui mais non, car si les succès d’Aetius sont bien réels, ils reposent sur une alliance délicate avec les Huns et vous avez pu constater que ceux-ci ne se sont ni approchés, ni aventurés en Gaule.
    Nous arrivons cependant très près d’un coup de théâtre à cause d’un quiproquo fâcheux.  Mais ceci est une autre histoire !

    Fin de l'épisode, à suivre...


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